Ce qui se passe dans la tête d’un enfant, ado et adulte anémique falciformique!
Image: Gracieuseté de Catherine Arsenault, Technologiste médicale pour le LSPQ. Aquarelle
Aujourd'hui, je vais vous parler de ma perception de la maladie au fil de l'âge.
Chance pour vous, je me souviens bien de mon enfance
Pour chacune des tranches d'âge, je vais donner:
Un conseil aux parents du malade
Un conseil à la personne qui souffre d'anémie falciforme et,
Un conseil aux professionnels de la santé
Ceux qui ont déjà lu mes autres articles savent que je fais des jokes plates et que je m'exprime dans un langage familier.
Je reste authentique pour cet article aussi!
J'espère que cet article vous aidera dans votre réflexion.
L’enfance (4-12 ans)
C’est tellement beau l’enfance
Enfant, je crois que je vivais un peu dans un monde imaginaire.
Je n'avais aucune conscience du fait que j'avais une "maladie".
Je trouvais mes séjours à l'hôpital normaux, car je ne connaissais pas mieux.
Je crois avec du recul que, d'être dans un hôpital pédiatrique (avec d'autre enfants) a contribué a cela.
Les hospitalisations
Je vivais mal l'annonce d'être hospitalisée, sans pourtant mal vivre l’hospitalisation.
Je m'explique
Je vivais mal l'annonce de mon hospitalisation, car je savais que on allait me faire des choses que je n'aimais pas (dans mon cas, j'avais peur de l'installation du "poto" (nom affectueux pour le soluté, pompe IV).
J'avais une peur bleue du soluté.
Donc, une fois l'étape du soluté passée, en général, je vivais assez bien les hospitalisations.
Trois choses facilitait mes séjours:
1. La maladie
Eh oui, lorsque qu'on est malade, on n'a qu'une seule envie...et c’est celle de dormir. Dormir, passe le temps. Ah!
2. Les amusements (DVD, ateliers de bricolage, Nintendo).
Pour moi, l'hôpital était synonyme d'activités.
Je n'avais pas de Nintendo à la maison, donc je ne jouais qu'à l'hôpital.
J'ai écouté tous les films Disney à l'hôpital.
Au moins Sept fois chacun!
Tout allait bien… tant et aussi longtemps que j'étais distraite.
Je n'aimais pas la visite de médecins, car ils me gâchaient mon fun. Quel enfant aime faire une pause de son jeu de Nintendo pour parler à des étrangers ennuyants?
Je vivais dans le moment présent. Quand ma douleur n’étais pas soulagée, je pleurais. Quand ma douleur l'était, je jouais/dormais.
Je n'avais pas conscience que ce qui m'arrivait était injuste. Je n'étais jamais "découragée de ma situation”.
3. Les infirmières
Le rôle d'un/une infirmier(ère) en pédiatrie est crucial.
Elle est comme la figure paternelle/maternelle de l'enfant lors de l’absence de celui-ci. L'enfant fait confiance à l'infirmier(ère). Enfant, une bonne infirmière devait m’assurer que elle viendrait à mon secours lorsque je sonne la cloche d’appel. Elle devait aussi m'assurer qu'elle allait jamais se fâcher après moi si je sonnais la cloche d'appel (petite j'avais l'impression de déranger les gens en sonnant la cloche d’appel). J'avais hâte de rencontrer certaines infirmières.
Je demandais pour Sonia, Catherine, Laura etc...
Parfois, je poussais des cris de joie quand j'en voyais une que j'aime.
En gros
Enfant, je crois que l'on ne se rends pas compte du fait que l’on a une maladie chronique. Je pensais être comme les autres. Quand ma mère m'interdisais d'aller courir avec les autres amis sous le soleil, je pensais qu'elle était simplement méchante. (HA).
NB: Elle le faisait pour mon bien. J'étais une fille extrêmement compétitive donc je m'épuisais sans m'en rendre compte. Elle savait écouter mon corps.
Merci maman!
Le concept d'avoir une maladie chronique m'était incompris.
Une maladie devait être visible pour être compris (convulsions, vomissement etc.).
Conseils aux parents
Conseils aux parents
Même si c'est difficile, essayez le plus possible d'éviter de faire des crises de panique, et des crises de larmes devant l'enfant malade. Je vais aller encore plus loin, ne faites pas de crises de larmes. Même quand il dort.
Nada
Niet
Je peux comprendre que voir son enfant souffrir à l'hôpital est très difficile, mais prenez sur vous. Allez pleurer aux toilettes, ou dans le corridor.
L'enfant ne comprends pas votre tristesse, car il est dans son monde imaginaire. Si vous tentez de lui expliquer la raison de votre tristesse (sa maladie), même avec un vocabulaire d'enfant, c'est perdu d'avance.
Il va comprendre que votre tristesse est de sa faute (parce qu'il est malade). Il va par la suite se sentir impuissant, car il ne peut pas ordonner à son corps d'aller mieux pour enlever votre tristesse. C'est une variable qu'il ne peut contrôler.
Pas de crise de larmes.
Croyez-moi, je suis passé par là.
Et j'ai une bonne mémoire
La meilleure façon d'aider votre enfant?
Jouez avec lui, racontez lui des histoires, faites du bricolage…
Ramenez-lui des biscuits ou du lait au chocolat.
Beaucoup de câlins. Il en faut peu pour être heureux.
Profitez des bons moments partagés. (Bons moments, oui c'est possible même à l'hôpital).
Conseil au malade: Amuse-toi ptit chou.
Conseil au personnel soignant
Conseil au personnel soignant
Si vous n'aimez pas les enfants, n'allez pas en pédiatrie! Ça se ressens quand tu n'aime pas ta job.
Ensuite, gardez la magie de l'enfance.
Jouez de l'imaginaire de l'enfant dans vos interventions.
Une infirmière m'a déjà dit qu'un médicament (qui goûtait mauvais) était une potion magique. J'étais très naïve, alors je l'ai crue!!!!
L’adolescence (12-20 ans)
*Cette partie n'était pas facile à écrire)*
C'est connu, un adolescent en santé a de la difficulté à s'accepter, se trouver etc. C'est PIRE pour celui qui souffre d' une maladie chronique.
Adolescent, l'on se réveille de notre bulle de binounours créé dans l'enfance pour affronter le monde. Le vrai.
Je vais essayer de résumer mon adolescence x maladie chronique en quelques lignes
1. Je me rends compte que j'ai une maladie chronique.
Donc, je comprends que ce que je vis n'est pas le quotidien de tous les autres ados.
2. Je me rends compte que c'est injuste.
Je sors de mon monde imaginaire. Je commence à me poser des questions sur la vie. Pourquoi moi? Pourquoi pas moi? Qu'ai je fait pour mériter cela?
Beaucoup de ces questions n'ont pas de réponses. Et, c'est très difficile.
3. Je me rends compte que cette maladie est handicapante parfois.
Je suis fatiguée, l'école commence à me demander beaucoup plus d'effort que au primaire etc...
4. Je suis dans le déni.
J’ai été dans le déni assez longtemps. Je voulais tout faire comme tout le monde. J'ai repoussé mes limites, et parfois ma course se terminais au urgences.
Cela m'a pris 20 ans accepter cette foutue maladie vous savez.
(Boff, et encore)
Accepter que je suis née avec une condition difficile et que c'est injuste. Accepter que les circonstances sont celles qu'elles sont et que je dois m'y faire.
Accepter que certains sports me sont interdites.
Accepter de prendre des médicaments pour le restants de mes jours.
Accepter que il y a des métiers que je ne pourrais pas faire avec ma condition (policière, infirmière dans l'armée, etc.).
Accepter de me battre.
Accepter que la vie en valait la peine.
Conseils aux parents
Conseils aux parents
1. La comparaison
Comparer son ado aux autres ados (même ceux qui ont la même maladie que celui-ci) est une grave erreur. Tout comme un adulte, un adolescent vis sa maladie à sa manière. C'est un processus extrêmement personnel.
On ne peut pas se battre avec des outils que nous n'avons pas. Les médecins nous fournissent les outils pour combattre la maladie physiquement, mais souvent nous sommes dépourvus d'outils pour nous battre moralement.
Moralement?
Bin oui.
J'ai remarqué dans la communauté noire, maghrébine, méditerranéenne, nous passons à coté de la santé mentale.
Je suis une enfant d'immigrés 1ere génération. Mes parents ont fui la guerre, la dictature, l'instabilité politique etc. Ils ont beaucoup vécu. Nos parents croient à tord que nous menons une vie facile, exempt de problèmes.
Ce n'est pas le cas.
Les problèmes sont différents, mais existants néanmoins.
Vous savez, quand un ado est âgé de quatorze ans et que son corps lui fait souffrir comme si il en avait quatre-vingt, ça fesse sur le moral en SIL VOUS PLAIT. Imagine avoir 14 ans et commencer à avoir mal aux jambes dans un party d'anniversaire.
Dur, dur sur le moral.
La dépression est courante chez les personnes qui souffrent d'une maladie chronique. Que ce soit l'épilepsie, le diabète, la fibrose kystique ou l'anémie falciforme.
Lâchez nous un peu avec vos discours comparatif du genre:
"Quand j'étais jeune, je marchais 56 km à pieds, sans chaussures avec ton frère pour aller à l'école. Et toi? Tu te plains de ta maladie chronique? Reviens-en. L'hôpital est gratuite, soit reconnaissant!
Écoutez votre ado et soyez réceptif.
1.2 Comparer son ado
Ton jeune aura probablement besoin de plus de temps pour avoir son DEC /BAC.
Pour trouver le métier de sa vie.
Pour travailler à temps plein.
Pour acheter sa première maison
Pour s’aimer.
Il aura peut-être besoin d'une année sabbatique.
Soyez celui qui relève son enfants et non celui qui le descends.
Encouragez-le à trouver sa voie.
Ne le jugez pas.
Il n’y a rien de plus pire pour un ado/jeune adulte anémie falciforme qu’une personne en bonne santé qui nous donne des leçons.
C'est la raison même de mon blog. Des conseils de vie d'une personne malade à une autre.
Nous sommes en deuil, et ça prendra le temps qu'il faudra pour en ressortir plus fort.
On ne peut pas se battre avec des armes que nous n'avons pas. Mes épisodes de déprime ont fait de moi la femme forte que je suis maintenant.
Conseil à l'ado ayant une maladie chronique
Conseil à l'ado ayant une maladie chronique
Prends ton temps.
Pour vivre ton chagrin.
Ta déprime.
Ta rage.
C’est correct de se sentir triste, dépassé, seul.
Au moment propice, tu te relèveras. Moi, ça m’a pris + de dix ans.
Vis ton chagrin, mais fais-le d’une façon sécuritaire.
Parle!
À quelqu’un.
Quelqu’un en qui tu as confiance.
Si tu ne trouves pas, regarde du côté des professionnels de la santé.
Ça en vaut la peine!
J’ai envie de dire que les psychologues, et les travailleurs sociaux sont d’une grande aide.
Give them a try?
Donne-toi au moins cinq rendez-vous avant d’abandonner.
Demande à ton infirmière pivot quels ressources sont disponibles pour t’aider
Et si tu as besoin d’une communauté:
1. Like ma page: Les Humains de l'anémie falciforme.
2. Envoie-moi un message, ça me fera plaisir de te jaser lorsque possible.
3. Regarde du côté de l’Association d’anémie falciforme du Québec. De bonnes personnes travaillent là .
4. Tel Jeunes et Jeunesse J'écoute sont de bonne aide lorsque tu n'a pas de psy ni de TS. Laisse-leur une chance stp
5. J’ai aussi Tiktok: Mademoiselle Falciforme
Tel Jeunes: 1-800-263-2266
Par texto: 514-600-1002
Jeunesse j'écoute: 1-800-668-6868
Si tu as des idées suicidaires, clique-ici stp.
C'est anonyme, tes parents en sauront rien.
Conseils au personnel soignant
Conseils au personnel soignant
Ne. jugez. pas. votre patient.
Je sais qu'il vous arrive d'être frustrés d'une situation.
Vous voulez le bien pour votre patient.
Prenez sur vous, et on y va en douceur.
💜
Médecins
Ouvrez le dialogue
N’oubliez pas que pendant que vous avez le coté médical de la chose, nous avons le côté émotionnel. Pour trouver une solution aux deux, il faut dialoguer. Comment pouvez-vous savoir que votre patient est sur le bord de la déprime si vous n'écoutez qu'à moitié ce qu'il a à vous dire?
Vous n'avez pas le temps, on le sais.
Mais, si vous n'avez que 5 minutes à nous accorder, laissez nous parler deux minutes, et vous parlez trois minutes.N'écoutez pas que vos chiffres. Il peut arriver que nous soyons fatigués/ en souffrance avec une hémoglobine « dans nos valeurs normales ».
Soyez à l’écoute!
Si ton patient te dis que la morphine le soulage mieux que le dilaudid, et que le Gravol en fonctionne mieux que le Zofran , ce n'est pas des caprices.
Les infirmiers (c'est à votre tour de vous faire ramasser)
Quand un patient te dis de ne pas aller piquer une veine, même si elle semble belle.
N'allez pas piquer l'a bas.
98% du temps tu n'auras pas de retour veineux.
Soit parce-que la veine à éclaté
Soit pour d'autre raisons mystique inexplicables.
On se connais.
L’âge adulte (20 ans et plus)
Je prends enfin les choses en main: médication, suivi médical etc.
Même si on n’a pas toutes les cartes en main pour me sentir mieux (assurances, finances, congés maladies, carrière), on travail fort pour y parvenir.
Je sais ce qui cause mes crises et comment le prévenir.
On sais aussi ce qui nous soulage.
On se donne des limites.
L’on donne les limites aux autres.
Ça va quoi.
Conseils aux parents: Laissez votre enfant s’envoler. Vous avez assez travaillé. ✌💙
Conseil au malade: Les mêmes pour la section adolescent.
Je rajouterai à ça: prends le temps de te reposer.
Écoute ton corps.
Écoutes tes émotions aussi.
J'te le dis, moi je braille encore des fois quand je vais aux urgences.
Ou quand cela fait 20 fois que l'on essaie de m'installer un soluté.
Je braille.
Mais après, je casse ma tirelire. Je demande à quelqu'un de m'acheter des sushis, ou un gâteau à la cafétéria de l’hôpital.
Si j'ai de la chance, un membre du personnel va me faire rire...bref
Essaie de trouver des petits plaisirs dans ta situation
Un jour à la fois.
Rien n’est plus important que ta santé...physique et mentale
Fait toi un mini spa maison.
Va au ciné.
Prends un petit Vino 🍷 et félicite-toi pour les petites victoires.
Fait attention aux erreurs médicales.
Soit vigilant à l’hôpital, et si tu ne peut l'être, soit accompagné de quelqu’un qui peut l'être pour toi.
Conseil au personnel médical:
Je vous ai assez grondés dans la section adolescent.
Allez en paix.
Xoxo
Mlle Falciforme
NOTA BENE JURIDIQUE ET CETERA ET CETERA
Je suis consciente que mon article ne reflète pas la réalité de toutes les personnes qui ont l'anémie falciforme. Nos parcours sont différents, car nous sommes tous différents.
Certains souffrent moins que d'autres.
J'écris ce que je sais.

